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Résiliation unilatérale du contrat par le cocontractant de l'administration

Auteur : ROUSSE Christian
Publié le : 02/12/2014 02 décembre déc. 12 2014

Dans une décision du 8 octobre 2014 le Conseil d'Etat admet pour la première fois que le cocontractant d'une personne publique puisse résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles.Conseil d'Etat 8 octobre 2014 - Société Grenke location - n° 370644

1. A l'origine de cette décision
Le Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MUCEM) avait conclu un contrat de location de photocopieurs avec une entreprise spécialisée dont les conditions générales, qui étaient annexées au marché, prévoyaient la possibilité pour l'entreprise de résilier le contrat avec indemnité en cas de non-paiement des loyers.

Le MUCEM ayant cessé de régler les loyers, l'entreprise résilia unilatéralement le contrat et obtint du Tribunal administratif de Strasbourg la condamnation de l'Etat au paiement de l'indemnité de résiliation contractuelle correspondant à l'ensemble des loyers à échoir.

La Cour administrative d'appel de NANCY annula ce jugement en considérant, conformément à une jurisprudence constante, que l'application d'une telle clause, susceptible en soi de porter atteinte à la continuité du service public, devait purement et simplement être écartée comme étant contraire à l'ordre public.

Le Conseil d'Etat censure cet arrêt et admet pour la première fois qu'il est "loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n'a pas pour objet l'exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles."
Ce droit de résiliation unilatérale n'est toutefois reconnu qu'à titre d'exception et dans des conditions strictement délimitées par la Haute juridiction.


2. Un champ d'application et un régime strictement encadrés
Dans un considérant de principe marqué par la pédagogie apprécier pour ce type de décision par les juges de la rue MONTPENSIER, le Conseil d'Etat précise les contours de ce nouveau droit.


2.1 Ce droit doit être contractuellement prévu

Le droit de résiliation unilatérale du cocontractant de l'administration ne constitue absolument pas un principe général par opposition au droit de résiliation dont dispose l'administration.

Il s'agit d'une prérogative contractuelle, qui doit donc être prévue par une clause du contrat.

Cela signifie notamment que cette faculté devra être consentie par l'administration lors de la conclusion du contrat, ce qui ne manquera pas de faire l'objet de négociations.


2.2 Ce droit est exclu pour les contrats ayant pour objet l'exécution même du service public

La Haute juridiction fixe ici une importante limite.

Tous les contrats administratifs dont l'objet concerne l'exécution même du service public sont purement et simplement exclus.

Cette exclusion se justifie sans doute principalement par la volonté d'écarter tout risque d'atteinte à la continuité du service public.

En revanche, un contrat conclus pour les seules besoins du service public pourra tout à fait prévoir une telle clause de résiliation unilatérale.


2.3 l'administration doit être mise en mesure de s'opposer à la rupture des relations contractuelles

Le cocontractant qui entend résilier le contrat en invoquant un manquement de l'administration devra impérativement mettre cette dernière en mesure de s'opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d'intérêt général.

En d'autre terme, l'administration qui n'exécute pas ses obligations pourra toujours invoquer un motif d'intérêt général, notamment tiré des exigences du service public, pour maintenir le contrat.

Si un tel, motif est invoqué par l'administration, le cocontractant ne pourra alors en aucun cas mettre fin de son propre chef à l'exécution de ses prestation sous peine de se voir opposer une résiliation du contrat à ses tord exclusif.

Il pourra en revanche saisir le juge du contrat pour contester le motif d'intérêt général invoqué par l'administration et solliciter en conséquence la résiliation du contrat.



3. Un rééquilibrage de l'équilibre contractuel?
A l'analyse, cette décision fait finalement preuve d'une audace toute relative.

Elle doit néanmoins être accueillie favorablement.

Elle demeure en effet une étape supplémentaire dans l'œuvre de renforcement et de rééquilibrage des droits du contractant de l'administration pour lequel le juge administratif avait déjà reconnu, en 2011, le droit de contester une mesure de résiliation unilatérale prononcée par l'administration en sollicitant le reprise des relation contractuelle.

(CE,21 mars 2011, n° 304806, Commun de BEZIER)



Cet article n'engage que son auteur.

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