La création du défenseur des droits
Auteur : BERGANT Frédéric
Publié le :
29/04/2011
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2011
Les lois organique et ordinaire du 29 mars 2011 ont définitivement mis en place le Défenseur de droits. Ce nouveau genre d'ombudsman à la française va-t-il pouvoir répondre aux attentes de ses créateurs?
Attentes et craintes suscitées par le nouvel ombudsman français
Les lois organique et ordinaire du 29 mars 2011 ont définitivement mis en place le Défenseur de droits. Alors que certaines personnalités politiques, telles que Jack LANG ou encore Bernard KOUCHNER, sont déjà pressenties pour le futur poste, il convient de s'interroger sur l'opportunité d'une telle mise en place.
Ce nouveau genre d'ombudsman à la française, objet de tous les débats durant la phase préparatoire des Lois du 29 mars 2011, va-t-il pouvoir répondre aux attentes de ses créateurs?
Sera-t-il un réel protecteur des droits des citoyens, comme son nom l'indique, ou un simple représentant du pouvoir politique en place sans réelle efficacité, comme certains l'ont pu laisser entendre?
1. Regroupement des compétences et renforcement des pouvoirs en vue d'une meilleure cohérence dans la protection des droits.
1.1 On le sait, le Défenseur de droits vient se substituer à quatre autorités administratives indépendantes, dont il récupère les compétences et qui avaient su depuis leur création gagner en efficacité et en indépendance: le Médiateur de la République, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), la HALDE et le Défenseur des enfants. Seul le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est maintenu indépendamment du Défenseur de droits.
Le souhait du "Comité Balladur", était en effet d'en finir avec la prolifération des autorités indépendantes dont les champs de compétence pouvaient interférer. De même, Michèle Alliot-Marie, alors Ministre de la justice au moment de sa présentation du texte au Sénat en juin 2010, avait déclaré que: "la multiplicité des instances ne garantit pas une protection optimale".
L'idée serait donc de rendre les choses plus claires pour les citoyens qui auraient été perdus face aux trop grand nombre d'instances vers lesquelles ils pouvaient se tourner en cas d'atteinte à leurs droits.
Le législateur est même allé jusqu'à offrir au citoyen "qui s'estime lésé dans ses droits et libertés" la possibilité de saisir directement le Défenseur des droits (article 5 de la Loi organique du 29 mars 2011). L'ancien Médiateur de la république, à titre de comparaison, ne pouvait pas être directement saisi par le citoyen qui devait obligatoirement passer par le relais d'un parlementaire.
1.2 En outre, toujours dans le souci de rendre plus visibles et plus efficaces les actions menées par le Défenseur de droits, les pouvoirs accordés à la nouvelle institution sont plus poussés que ceux détenus précédemment par les autorités absorbées.
A titre d'exemple, dans les cas où ses recommandations ne seraient pas suivies d'effet par les personnes mises en cause, et ce malgré une injonction de prendre les mesures qui s'imposent, le Défenseur de droits peut rédiger sur le mis en cause un rapport spécial qui sera rendu public (article 25 de la Loi organique).
Ce Défenseur peut encore procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation. Il peut également proposer à l'auteur de la réclamation qu'il reçoit et à la personne mise en cause de conclure une transaction dont il peut recommander les termes (articles 26 et 28 de la Loi organique).
Le Défenseur des droits peut saisir l'autorité investie du pouvoir d'engager les poursuites disciplinaires des faits dont il a connaissance et qui lui paraissent de nature à justifier une sanction. Il dispose là encore d'un pouvoir d'injonction de prendre les mesures qui s'imposent en cas d'inertie de cette autorité. Et, si l'inertie persiste, le Défenseur peut rédiger un rapport qui sera rendu public.
Le nouveau protecteur des droits des citoyens dispose également de larges pouvoirs d'investigations. L'article 22 de la Loi organique lui offre la possibilité d'accéder, sous contrôle du juge, aux locaux, publics et privés, des personnes mises en cause. Les personnes s'opposant aux contrôles effectués par le Défenseur sont passibles de sanctions pénales.
2. La remise en cause du statut du Défenseur de droits et de son efficacité.
2.1 Dès son article 2, la Loi organique du 29 mars 2011 rappelle une qualité intrinsèque du Défenseur: son indépendance. Ses détracteurs ont néanmoins exprimé des doutes quant à l'effectivité de cette qualité dénonçant une partialité et une absence d'autonomie.
Le nouvel ombudsman français est, comme les autorités auxquelles il succède, désigné par décret en conseil des ministres (article 1 de la Loi organique) mais sur proposition du Président de la République (article 71-1 de la Constitution).
Certes, l'article 13 de la Constitution impose au Chef de l'Etat de recueillir l'avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Et, il ne peut procéder à une nomination dans le cas où les votes négatifs représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de chaque commission. Certains regrettent cependant que le législateur n'ait pas suivi jusqu'au bout les propositions du "Comité Balladur" en optant pour une élection du Défenseur par l'Assemblée nationale statuant à la majorité des trois cinquièmes.
Certains ont également regretté l'absence d'indépendance des adjoints du Défenseur de droits qui l'assistent dans chacun des domaines d'intervention qui étaient ceux des autorités absorbées. L'article 11 de la Loi organique décide que: "Les adjoints sont placés auprès du Défenseur des droits et sous son autorité". Ils sont, par ailleurs, désignés sur proposition de ce dernier.
2.2 En plus d'une remise en question de son rôle de contre pouvoir, le Défenseur de droits subit une remise en cause de son efficacité.
Il apparaît en effet difficile de penser que le nouvel ombudsman pourrait traiter, avec autant de prise en considération et d'implication que les anciennes autorités indépendantes, les cas qui lui seront soumis. Le nombre de dossiers à traiter ne va certainement pas diminuer avec son arrivée. Il est permis de douter qu'il puisse profiter pleinement des pouvoirs mis à sa disposition, notamment du pouvoir d'investigation.
A cet égard, Robert BADINTER, intervenant au Sénat en février dernier, faisait valoir qu': " Il ne pourra certainement pas remplir la fonction qu’on attend de lui. Il ne sera plus, contrairement à l’ombudsman, qui est le modèle à conserver, une femme ou un homme de terrain".
Certains ont fait remarquer, comme Agnès MARTINEL, magistrate, et Mayada BOULOS, du pôle d'experts "lutte contre les discriminations" à Terra Nova, que le législateur aurait pu simplement regrouper les autorités administratives existantes au sein d'une même entité, le Défenseur de droits, tout en ne renonçant ni à leur existence ni à leur indépendance.
Pour l'heure, le nouveau Défenseur de droits n'a pas encore été nommé. Laissons-lui le temps de faire ses preuves. Un bilan ne manquera pas d'être effectué par ses détracteurs d'origine!
Sources:
- www.legifrance.gouv.fr
- www.badinter.com
- www.lefigaro.fr
- www.tnova.fr
- "Le Défenseur des droits: un ombudsman en trompe-l'oeil", A. MARTINEL et M. BOULOS, Terra Nova, 7 janvier 2011
- "Le Défenseur des droits", Jean Claude ZARKA, Recueil Dalloz 2011, page 1027
Cet article n'engage que son auteur.
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