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Etablissement public et publicité des règlements

Etablissement public et publicité des règlements

Auteur : ROUSSE Christian
Publié le : 30/05/2012 30 mai mai 05 2012

Dans un arrêt du 24 avril 2012 le Conseil d'Etat rappelle les principes régissant l'opposabilité des mesures réglementaires adoptées par un établissement public et précise l'office du juge lorsqu'il est appelé à statuer sur cette opposabilité.

Etablissement public et mesures de publicités réglementées par un texteDans un arrêt du 24 avril 2012 (n° 339669) le Conseil d'Etat rappelle les principes régissant l'opposabilité des mesures réglementaires adoptées par un établissement public et précise l'office du juge lorsqu'il est appelé à statuer sur cette opposabilité.

Dans cette affaire, l'établissement public Voies Navigables de France (VNF) avait réclamé à la société Eurobarges un péage par deux états exécutoires pour des transports de marchandises effectués par voie fluviale au cours des années 2003 et 2004.

L'émission de ces titres, dont le caractère exécutoire constitue une prérogative reconnue aux établissements publics pour le recouvrement d'office de leurs créances, trouvait son origine dans une redevance de péages dont le tarif avait été fixé par deux délibérations du conseil d'administration de V.N.F.

La publicité de ces deux délibérations avait été réalisée par voie d'affichages dans le hall du siège et par la publication des avis d'affichage dans le bulletin officiel de l'établissement.

Contestant l'opposabilité de ces tarifs pour défaut de publicité suffisante, la société Eurobarges obtint du Tribunal administratif de Melun l'annulation de ces états exécutoires, annulation que la Cour administrative d'appel de Paris confirma au motif que ces délibérations ne pouvaient être opposables aux usagers du domaine public fluvial qu'à la condition que leur publication ait revêtu "au moins la forme d'une insertion dans le recueil des actes administratifs des préfectures des départements concernés par la mesure".

Le Conseil d'Etat censure cet arrêt pour erreur de droit en rappelant d'une part le régime applicable en matière de publicité des actes réglementaires adoptés par les établissements publics (I) et en précisant, d'autre part, l'office du juge appelé à statuer en la matière (II).



I/ Publicité et opposabilité des actes réglementaires des établissements publics

Après avoir relevé que les délibérations en question étaient bien de nature réglementaire, le Conseil d'Etat rappelle qu'en tant que telles ces délibérations ne peuvent être opposables aux usagers que si elles ont fait l'objet d'une mesure de publicité suffisante.

Pour être précis, il faut bien entendre que l'absence ou l'insuffisance de publicité d'un acte réglementaire ne concerne que son opposabilité tandis que pour les actes pris pour son application c'est bien la légalité qui est en cause. (CE 16 févr. 1977, Teyssier, N° 98.668)

Ainsi en l'espèce, c'est bien l'opposabilité des délibérations adoptées par l'établissement public qui est contestée afin d'exciper de l'illégalité des états exécutoires pris pour son application.

Le Conseil d'Etat rappelle ainsi dans un considérant de principe que la publicité des actes réglementaires adoptés par des établissements publics fait l'objet d'un principe de subsidiarité à trois niveaux.

La publicité réglementée par un texte

Au premier niveau, un texte de nature législative ou réglementaire peut prévoir une ou plusieurs mesures de publicité déterminées. Pour être opposables, les actes réglementaires adoptés par l'établissement public devront impérativement respecter ces modalités de publicité.

La publication au Bulletin officiel de l'établissement ou sur son site internet

A défaut de texte prescrivant des modalités de publicité déterminées, une publication au bulletin officiel de l'établissement ou, dans des conditions garantissant sa fiabilité, une mise en ligne sur son site internet sera jugée suffisante pour que les actes réglementaires soient opposables aux tiers.

Toutes autres modalités permettant une publicité suffisante

Enfin, toujours en l'absence de modalité de publicité réglementée et au-delà de la publication au B.O ou de la mise en ligne, le Conseil d'Etat précise que dans certaines circonstances, "compte tenu de l'objet des délibérations et des personnes qu'elles peuvent concerner", il est possible de recourir à d'autres modalités de publicité (affichage, notification, bulletin d'information…) dés lors que ces mesures sont à même d'assurer une "publicité suffisante".

Cette notion de suffisance de la publicité est alors à géométrie variable et fait l'objet d'une appréciation in concreto qui offre au juge du fond un large pouvoir d'appréciation.


II/ Office du juge et "publicité suffisante"

Ce régime d'opposabilité étant précisé, c'est sur l'office du juge appelé à statuer sur le caractère suffisant ou non de la publicité des actes réglementaires adoptés par un établissement public que les Conseillers du Palais Royale opèrent un rappel de principe dont une application stricte est faite en l'espèce.

Dans cette affaire les délibérations querellées relevaient du régime de la publicité réglementée.

Le décret du 26 décembre 1960 portant statut de Voies Navigables de France organise en effet les mesures de publicité et dans sa version applicable au litige il prévoyait que les délibérations tarifaires devaient être publiées soit au bulletin officiel de l'établissement ou sur son site internet, soit, eu égard à l'objet de ces délibérations et aux usagers qu'elles visent, par voie d'affichage au siège de l'établissement et chez ses représentants locaux.

Ainsi, en estimant que pour être opposables aux usagers ces délibérations devaient être "au moins publiées dans le recueil des actes administratifs des préfectures des départements concernés par la mesure", les juges du fond ont opéré une erreur de droit en ajoutant une condition non prévue par ce texte.

Le Conseil d'Etat rappelle ainsi qu'en présence d'un texte réglementant la publication des actes réglementaires adoptés par un établissement public, seul le respect des mesures limitativement énumérées par ce texte peut être exigé pour rendre opposable ces décisions aux tiers.

Les juges du fond ne disposent pas, dans ce cas, d'un pouvoir d'appréciation souverain leur permettant d'apprécier librement le caractère suffisant ou non de la publicité.

A l'image de l'administration qui peut être en situation de "compétence liée", seul le non respect des mesures prévues par le texte réglementant la publicité peut alors être sanctionné par le juge.

Après avoir rappelé ce principe, le Conseil d'Etat en fait une application stricte en relevant que Voies Navigables de France n'a pas publié dans son bulletin officiel les délibérations tarifaires elles-mêmes mais seulement les avis d'affichage de ces délibérations dans le hall du siège.

Or, pour être opposables ces délibérations auraient dû être soit reproduites in extenso dans le B.O ou sur le site internet, soit faire l'objet d'un affichage non seulement dans le hall du siège mais également chez ses représentants locaux conformément aux dispositions du décret du 26 décembre 1960 qui réglemente la publicité de ces actes.

Le Conseil d'Etat rappelle ainsi dans une décision démonstrative qu'en présence de mesures de publicités réglementées par un texte, l'office du juge est limité au contrôle du respect des dispositions prévues par ce texte, le juge ne retrouvant son pouvoir souverain d'appréciation du caractère suffisant de la publicité qu'en l'absence de réglementation.





Cet article n'engage que son auteur.

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