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Appréciation de l'intérêt à agir d'une association

Appréciation de l'intérêt à agir d'une association

Auteur : ROUSSE Christian
Publié le : 30/04/2014 30 avril avr. 04 2014

Par un arrêt du 17 mars 2014, Association des consommateurs de la FONTAULIERE, n° 354596, le Conseil d'Etat opère un revirement de jurisprudence remarquable en matière d'appréciation de l'intérêt à agir d'une association.

A l'exception de certaines règles dérogatoires, notamment en matière d'urbanisme, l'appréciation de l'intérêt donnant qualité à agir à une association qui entend contester une décision administrative s'effectue au regard de son objet social tel quel précisé dans ses statuts.

Le juge administratif contrôle à cet effet l'existence d'un lien suffisamment direct et étroit entre les intérêts défendus par l'association et la décision qu'elle entend contester.

Pour apprécier l'intensité de ce lien, le juge administratif se réfère classiquement à deux critères :

  • L'objet des intérêts défendus (intérêt rationae materiae)
  • Le champ d'action géographique (intérêt rationae loci)
C'est sur ce second critère que le Conseil d'Etat effectue un revirement de jurisprudence.



1. APPRECIATION TRADITIONNELLE DU CHAMP D'ACTION GEOGRAPHIQUE D'UNE ASSOCIATION
Traditionnellement, le Conseil d'Etat jugeait que faute de précisions dans les statuts, le champ d'action d'une association ne peut être regardé que comme national.

(CE, 23 fév. 2004, n° 250482)
Autrement dit, il existait une véritable présomption de champ d'action géographique national en l'absence de précision contraire et précise dans les statuts.

Cette présomption était particulièrement difficile à combattre puisque ni le nom de l'association, pouvant contenir une référence géographique précise, ni même l'adresse de son siège sociale ne permettait en soit de justifier d'un champ d'application plus restreint.

L'office du juge administratif dans l'appréciation du champ géographique d'intervention de l'association était ainsi limité au seul examen de l'objet social de l'association.

Les conséquences de cette jurisprudence étaient particulièrement importantes compte tenu de ce que lorsque le champ d'intervention d'une l'association, dont les statuts étaient mal rédigés, était considéré par le juge comme étant de niveau national, l'association était alors tout simplement irrecevable à contester une décision administrative de portée strictement locale pour défaut qualité à agir.

(CE, 28 Oct. 1994, Association "Les amis de la terre", n° 139125)

Ainsi les associations ayant des statuts mal rédigés ou trop ambigus quant à leur champ d'intervention géographique se retrouvaient bien souvent irrecevables en leurs demande sans aucune possibilité de justifier a posteriori, devant le juge, la réalité de leur champ d'action géographique.


2. UN REVIREMENT DE JURISPRUDENCE PRAGMATIQUE
Dans un considérant de principe le Conseil d'Etat opère un revirement de jurisprudence empreint d'un certain pragmatisme.

Désormais, lorsque les statuts d'une association ne comporteront pas de précisions quant à son champ géographique d'intervention, le juge administratif devra :

"Apprécier son intérêt à agir contre les décisions qu'elle (attaque) au regard de son champ d'intervention en prenant en compte les indications fournies sur ce point par les autres stipulations des statuts, notamment par le titre de l'association et les conditions d'adhésion, éclairées, le cas échéant, par d'autres pièces du dossier"

Ainsi, en l'absence de précision dans les statuts, le juge administratif ne se bornera plus à juger que l'association à un champ d'action national, mais sera tenu d'effectuer un contrôle concret du champ d'intervention géographique de l'association en recherchant au moyen d'un faisceau d'indice si ce champ d'intervention, local ou national, donne effectivement qualité à agir à l'association contre la décision qu'elle entend contester.

Ce faisceau d'indice pourra notamment comprendre, précise le Conseil d'Etat, le titre de l'association (ex : Association de défense de la vie sous-marine dans les calanques de Marseille) ses conditions d'adhésion (ex : Justifier d'une adhésion à un club de plongée marseillais), indices pouvant être éclairés par toutes autre pièces versées au débat.

Autrement dit, le Conseil d'Etat, qui fait ici preuve d'un certain pragmatisme procédural, assouplit considérablement son appréciation de l'intérêt à agir en permettant aux associations de justifier, par tout moyen, qu'elles disposent d'un champ d'action géographique spécifique qui leur donne qualité à agir contre la décision administrative contestée.

L'appréciation de cette qualité à agir n'est plus effectuée au seul vu de l'objet de l'association tel que décrit dans les statuts.

3. UN REVIREMENT DE JURISPRUDENCE ANNONCE
Ce revirement de jurisprudence avait d'ores et déjà été amorcé par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 25 juin 2012, remarqué par la doctrine, au terme duquel le Conseil d'Etat avait jugé :

"qu'en dépit de l'absence de délimitation, dans ses statuts, du ressort géographique de son champ d'action, cette association doit être regardée comme ayant un champ d'intervention local compte tenu des indications fournies sur ce point notamment par son appellation, la localisation de son siège social ainsi que l'existence, dans plusieurs autres départements, d'associations locales ayant un objet analogue et une dénomination similaire"

(CE, 25 juin 2012, association COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13, n° 346395)


4. CE QU'IL FAUT EN RETENIR :
Les associations dont les statuts ne mentionnent pas un champ d'intervention géographique précisément défini, pourront désormais justifier par tout moyen qu'elles disposent d'un intérêt leur donnant qualité à agir contre une décision dont les effets sont exclusivement locaux.





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © chany167 - Fotolia.com

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