Candidat évincé d'une procédure de marché public et communication de tous les éléments lui permettant de comprendre la motivation du classement de son offre
Auteur : ROUSSE Christian
Publié le :
03/03/2015
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Un candidat évincé d'une procédure de marché public doit se voir communiquer tous les éléments lui permettant de comprendre la motivation du classement de son offre.Quelles informations doivent être communiquées au candidat évincé d'un marché public ?
Une décision rendue par le Tribunal de L'Union Européenne le 14 janvier 2015 dans une affaire opposant le Parlement Européen à deux sociétés Belges rappelle avec fermeté les principes devant guider l'information du candidat évincé.
(TUE, 14 janv. 2015, aff. T-667/11, Veloss et Attimedia c/ Parlement).
Bien que cette décision soit rendue sur le fondement d'un texte uniquement applicable aux institutions européennes (Règlement financier N°1605/2002) les principes mise en œuvre n'en demeure pas moins similaires à ceux qui s'imposent à tout acheteur public ce qui offre l'occasion de faire le point sur cette question.
1. L'OBLIGATION D'INFORMATION DU CANDIDAT EVINCE
Le candidat évincé d'un marché public doit être informé du rejet de son offre et des motifs de ce rejet ainsi que du nom du candidat retenu et des motifs qui ont conduit au choix de son offre.
Cette obligation, qui repose sur les articles 80 et 83 du Code des Marchés Publics ne s'applique toutefois qu'au marché et accord-cadre passé selon une procédure formalisée ce qui exclut notamment les marchés à procédure adaptée.
Pour les marchés passés par les institutions européennes, ces principes sont repris par l'article 100 § 2 du Règlement financier.
2. L'OBJET DE CETTE INFORMATION
Au-delà d'informer le candidat du rejet de son offre, l'information du candidat évincé constitue une étape essentielle de la procédure de commande publique.
Cette information doit en effet permettre au candidat écarté d'apprécier les conditions d'attribution du marché et le cas échéant l'opportunité d'introduire un recours afin de contester la décision d'attribution.
Autrement dit, cette information doit lui permettre de comprendre pourquoi son offre n'a pas été retenue et pourquoi celle de son concurrent l'a été.
Ainsi, sauf si son offre a été rejetée comme étant inappropriée, irrégulière ou inacceptable, le candidat évincé a le droit de connaitre le nom du candidat retenu et d'obtenir les informations relative à l'offre que celui-ci a proposé.
Or, en pratique, il n'est pas rare que le candidat évincé ne reçoive pour toute information qu'une notification du rejet de son offre comportant, au mieux, le nom de l'attributaire.
Les demandes de précisions complémentaires ne sont quant à elles que rarement satisfaites.
Dans l'affaire portée devant le Tribunal de l'Union Européenne ce fut précisément le cas.
Malgré de très nombreuses demandes d'informations complémentaires, le Parlement Européen, qui avait organisé un appel d'offre pour renouveler un marché de traduction en langue grec, n'a pas communiqué a la sociétés Belge qui en faisait la demande l'offre financière du candidat classé en première position ni le prix proposé.
Le Tribunal de l'Union Européenne, qui bénéficie ici d'une compétence exclusive s'agissant d'un marché passé par une institution Européenne, sanctionne ce manquement en rappelant le contenu de l'information devant obligatoirement être communiqué au candidat évincé.
3. LE CONTENU DE L'INFORMATION OBLIGATOIRE
L'article 100 du règlement financier (applicable aux institutions européennes) et les articles 80 et 83 du Code des marchés publics (applicables à tout acheteur public) mentionnent au titre de l'information obligatoire :
"Les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue ainsi que le nom de l'attributaires".
La jurisprudence est venue préciser ce que peut recouvrir en pratique cette notion.
Il s'agit notamment :
- Des notes obtenues au titre des sous-critères
- Des délais d'exécution proposés
- Des éléments de comparaison entre les deux offres
- Du prix de l'offre retenue
C'est précisément sur ce dernier point relatif au prix de l'offre, que le Tribunal de L'union Européen apporte une précision intéressante dans son arrêt du 15 janvier 2015 :
4. L'INFORMATION DOIT PERMETTRE DE COMPRENDRE LE CLASSEMENT DES OFFRES
Dans cette affaire, après les multiples demandes du candidat évincé quant au contenu de l'offre financière du candidat retenu, le Parlement Européen avait finalement communiqué la note totale attribuée au candidat retenue et la note attribuée pour les critères qualitatif, à charge pour le candidat évincé d'effectuer un savant calcul devant lui permettre de déterminer les prix proposés.
Le Tribunal sanctionne cette pratique.
Il estime, dans un considérant pédagogique, qu' à défaut d'une communication claire du prix proposé, le candidat évincé n'était pas en mesure de comprendre pourquoi son offre avait finalement été écartée alors que sur le critère de la valeur technique il était placé en première position.
En d'autres termes, l'acheteur public ne peut se contenter de fournir une masse d'information plus ou moins compréhensible.
Il a l'obligation de communiquer au candidat qui en fait la demande une information laissant apparaitre de façon "claire et non équivoque" le raisonnement qui l'a conduit à retenir l'offre qu'il a choisi.
5. QUELLE(S) LIMITE(S) ?
La seule limite est naturellement liée au respect du secret industriel et commercial et au maintien d'une concurrence loyale entre les entreprises.
Ces principes s'opposent ainsi, par exemple, à la communication du Bordereau de Prix Unitaire (BPU) ou encore des prix proposés par les autres candidats dont les offres n'ont pas été retenues.
6. QUELLE SANCTION ?
L'absence de réponse à une demande d'information constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
(CE, 21 janv. 2004, Sté Aquitaine Démolition, n° 253509)
En pratique, devant le juge administratif Français :
Saisi d'un référé pré-contractuel ou d'un référé contractuel, le juge va constater l'absence de communication des informations obligatoires, enjoindre à l'acheteur public de communiquer ces informations et sursoir à statuer dans l'attente de cette communication.
(En ce sens : CE, 7 nov. 2014, SDTDM de l'Aisne, N° 384014, précité).
Si à l'issue de cette communication, le candidat écarté établi qu'il a irrégulièrement été évincé alors qu'il avait une chance sérieuse d'emporter le marché, il pourra prétendre à l'indemnisation de son manque à gagner.
(Sur ce point voir : CE 19 janv. 2015, OPH de THIONVILLE, n° 384653).
Mais le Tribunal de l'Union Européenne se révèle pour sa part beaucoup plus sévère dans sa décision du 15 janvier 2015 :
Alors même qu'en cours d'instance, le Parlement avait finalement décidé de communiquer le prix de l'offre retenue, le Tribunal estime qu'aucune circonstance exceptionnelle ne justifie la tardiveté de cette communication et qu'en conséquence il y a lieu d'annuler la décision du Parlement de sélectionner en 2ème position l'offre des requérants.
Autrement dit, l'information doit être communiquée en temps utile, une communication tardive étant assimilée à un défaut d'information.
Cette jurisprudence, sévère, a le mérite de faire pression sur l'acheteur public afin qu'il communique, à première demande, les informations que le candidat évincé est en droit d'obtenir.
A ce jour, rien ne permet toutefois d'affirmer que les juridictions françaises appliqueront la même sévérité.
7. CE QU'IL FAUT EN RETENIR :
Le Candidat évincé d'un marché public doit se voir communiquer tous les éléments lui permettant de comprendre la motivation du classement de son offre ce qui inclut notamment le prix de l'offre qui a été retenue.
Cet article n'engage que son auteur.
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